1944
SOUVENIRS
DE
L'ÉVACUATION
Émile Degand
2ème évacuation
du 7 Mai au 8 Septembre 1944
27 Avril - Pendant que je semais de la luzerne dans un champ du Pont de Naves, premier bombardement aérien sur les lieux suivants: Gare Annexe, Gare-Ville, Pont-Michelet, rue de Solesmes, Avenue du Quesnoy, rue Pierres Jumelles, Avenue Valenciennes, Rue de Naves, Route du Cateau, environ 80 morts. Notre maison échappe néanmoins aux dégâts. Rien à déplorer pour la famille.
À 20h, coup de téléphone allemand, me rendre avec une plateforme attelée à la Gare Cambrai Ville, le grand hall aux marchandises en train de se consumer par l'incendie, je m'exécute, les pompiers y sont en action, un officier allemand trouve mon attelage bien minable (tant mieux), - il aurait préféré un camion automobile.
À 22h ne faisant rien, je risque de tromper la surveillance et m'en vais. Le tour fut bien joué.
30 Avril nouveau bombardement massif : Avenue de Valenciennes, Pont de Valenciennes,
rue de Lille, Gare Ville, Route du Cateau, ( Messian et Protez- Delattre incendiées) digue du Canal, (Chicoée Duroyon ) environ 30 morts. Désarroi total dans la ville.
1er Mai. En présence d'une nombreuse assistance massée en face de l’hôtel de ville, cortège funèbre des victimes du 27, les cercueils sont places par trois ou quatre sur les plateformes hippomobiles offertes par les négociants en charbons. File de voitures, impressionnante, tournant autour de la PLace Briand.
A faible altitude, un avion téméraire allié survole le convoi funéraire et lâche une grosse gerbe de fleurs. La radio clandestine avait dû prévenir. Les équipages gagnèrent ensuite leur cimetière respectif.
2 Mai. Je décide d'évacuer mon mobilier chez mon Frère à Carnières, ce sera le premier voyage l’après-midi et à mon retour à 16h.
Je demande chez Flahaut à Escaudoeuvres, l’hébergement de mes deux chevaux, favorable acceptation.
Avec mon épouse, résolution est prise de loger momentanément à la Brosserie Paringaux, notre gendre rue Gambella où j'organiserai sommairement
un local d'habitation, famille couche déjà dans les caves parmi d'autres réfugiés, bienheureux d’utiliser l'épaisse couche de cameline entreposée pour fabrication de balais.
Les caves sont celles de l'ancienne brasserie Duverger et abritent en l'instant une trentaine de ménages, connaissances et voisinage . Doubles en profondeur, la sécurité y semble totale contre tous bombardements.
3 et 4 Mai: Calme revenu sur la ville. Peut-être ne revivrons-nous plus des moments aussi critiques qu'au cours des journées des 27 et 30 derniers. Hélas, nous nous trompions.
5 Mai : Je crois raisonnable d'aller avec mon commis Charles Bisiaux, rechercher mes chevaux chez Flahaut, mais en cours de retour, brutale surprise avec nos équipage attelés à 8h nouvelle incursion aérienne alliée, violent bombardement auquel nous ne pouvons échapper.
Que de dégâts nouveaux, multiples explosions de bombes et tels sont les points touchés; le Dépôt du Chemin de fer rue de Solesmes, le cimetière St Géry, l'avenue de Valenciennes, trouée comme une passoire, l'avenue du Quesnoy où Bisiaux
avait jugé prudent se diriger mais il y dut abandonner équipage et se réfugier chez M Hennechart au n° 16. Peut être échappa-t-il ainsi à la mort puisque le cheval fut blessé, immobilisé et la plateforme en partie détériorée et dans l'impossibilité de rouler à présent.
Quant à moi, ignorant de ces faits, je tentais de gagner la maison, afin d'y remiser mon attelage et m'abriter à la cave avec mon épouse laissée seule le matin à mon départ pour Escaudœuvres et qui ne devait pas être là à l'aise.
Une nouvelle vague aérienne arrive et contrarie mon projet.
Tout d'abord mon épouse est absente, et coup sur coup, explosions sur la route et sur le trottoir, l'arbre face à la maison est arraché.
Une déflagration ouvre brutalement la grand porte à l'instant où je me disposai à l'ouvrir pour rentrer.
Le souffle sous la voûte, me balance sur le mur où je me foule le majeur de la main droite.
L'attelage reste blog reste bloqué au pilastre de l'entrée. Je file m'abriter à la cave derrière les ballots de paille placés au cours des jours précédents.
Je n'y brillais pas en entendant le bombardement qui semblait ne pas vouloir finir.
L’accalmie renait, il est 10h et à ma remontée, j'aperçois l'incendie chez Bleton, garage automobile rue de Roubaix et par la suite, j'apprendrai l'écroulement d'un bâtiment à la graineterie Pucel où pour l'unique fois, mon épouse avait cru bon se réfugier et y rencontrait Madame Moniez, belle maman de notre fille Paulette. Toutes deux étaient indemnes, chose essentielle.
L'avenue de Valenciennes est devenue impraticable; la chaussée en nombreux endroits trouée, dépavée, bordures de trottoirs par-ci, par là, spectacle plus navrant de tout: des pierres du cimetière, des débris de cercueils, des morts arrachés dans leurs sépultures, jonchent le sol bouleversé; un tremblement de terre n'en ferait davantage.
Route épouvantail, aucun être n'y circule encore et je m'y trouve là seul. De quoi frémir !
Chance incompréhensible, les maisons semblent épargnées, à part des égratignures sans gravité.
Je ne peux donc plus trainer là, d'imminents dangers sont à redouter.
Je décide de gagner au plus vite la rue Gambetta, avec le cheval bien épouvanté, mais ardent et courageux de nature,
je surmonte tous les obstacles, cessant à la Porte Notre Dame où la crainte se dissipe et les gens commencent à oser mettre le nez dehors.
J'arrive rue Gambetta, nouvelle déconvenue le quartier vient de subir aussi une dure épreuve, ainsi que le Jardin public, conduites d'eau et de gaz crevées, caves inondées avec victimes: de vieilles personnes surprises y ont été noyées.
L'eau envahit les caves de la Brosserie, les hommes valides s'emploient à enrayer l'inondation et les ballots de paille ramenés d'Escaudœuvres dans ma plateforme seront très utiles, mon
fils Jean va en bicyclette à la recherche de sa mère, retrouvée et à peine remise de son émotion récente.
A son retour, il m'informe de la situation du commis Bisiaux, du cheval blessé, etc, etc, véhicule endommagé, brancards et une roue cassés, immobilisation complète.
Je conduit mon cheval valide à l'écurie des Pompes funèbres rue du Petit Séminaire et vais contacter le vétérinaire M. Samaran qui m'accompagne jusqu'au cheval blessé, chez Pucel où l'avait garé Bisiaux.
Il nous est permit de voir de nouveaux dégâts Avenue de Dunkerque (Merliot) rue de Roubaix (Delattre), Allée St Roch (chopin).
Après examen, le vétérinaire conclut : nombreuses écorchures sans gravité mais transporter la bête en lieu sûr et repos, onguent et frictions.
Doucement avec le cheval, je me rendrai l’après-midi chez Flahaut à Escaudœuvres et sur les lieux je trouverai un corbillard à bestiaux chez le fermier Pamette Bracq, juste en face.
Je rentrai le soir rue Gambetta à 20h, et que de paroles avec mon épouse sur cette inoubliable journée.
Couché en cave avec ma famille.
6 Mai : que nous réservera cette journée ?
A 8h, je reprends mon cheval valide rue du Petit Séminaire et vais l'atteler au corbillard, y loge le blessé et le transporte à Carnières chez mon Frère où Mr le vétérinaire Boulant l'examine, me rassure et ordonne une application de pommade sur toutes les écorchures, un peu de repos.
Et la journée s'écoula pour moi en soins, en parlote avec mon Frère, en projets d'avenir.
Un peu fatigué, (on le serait à moins), je couche chez mon Frère tourmenté par mes déboires.
7 Mai : Dimanche: 7h matin, surpris par l'arrivée matinale en camionnette de mon épouse et des enfants. Elle a l'intuition d'un danger
imminent et ne veut plus séjourner à Cambrai.
Mon Frère met aussitôt à notre disposition, une maisonnette momentanément libre, contiguë à chez lui.
En conséquence et par crainte d'une longue occupation, j'entreprends notre installation.
Le temps est radieux et propice à l'aviation.
A 16h du haut des six marches de cour, nous assistons au bombardement infernal sur Cambrai, distante de neuf kilomètres, trajet nous empêchant de pouvoir préciser les points de chute.
Et nous sommes loin de nous douter que notre famille en sera une des principales victimes.
A 22h, nous apprendrons à la rentrée de nos fils et de notre gendre Jean Moniez, les funestes effet de ce bombardement et les tragiques péripéties : tout d'abord toute la Brosserie Paringaux quasi entièrement incendiée avec destruction totale des comptabilités y compris la mienne apportée là par mesure de sécurité, par conseils de Jean Moniez, les réfugiés durent emprunter les fenêtres d'aération, les escaliers étant devenus inutilisables de par le feu.
Tout le quartier du Séminaire, celui-ci transformé hospice (il fallut d'urgence évacuer les vieillards) fut anéanti ainsi que les rues Aubenche.
à nouveau l'avenue de Valenciennes, puis la rue de Bouchain, le château Bourgeois, voire même les Petites Sœurs des Pauvres, mais chance par dessus tout, pas de victimes, grâce à la méfiance actuelle des habitants.
Nous nous couchâmes enfin à 2h du matin et le souci de ma comptabilité anéantie m'empêcha de dormir
Ma chère épouse avait eu vraiment le nez fin et je ne pouvais que la féliciter malgré le désastre.
8 Mai : Devant l'adversité, reprenons courage à 8h, j’attèle sur le corbillard et en route pour Escaudœuvres, de là je me risque à une visite à la maison 19 Av. de Valenciennes, on croirait la route transformée en un parc de démantèlement.
Sans perdre une minute, je charge chèvres, lapins, poules, outils et table et chaises et en route pour Carnières, atteint à 15h puis parlote et soins au cheval blessé et déjà convalescent.
9 Mai Levé à 1h1⁄2 et déjeuner aux chevaux, à 2h1⁄2 matin, départ avec la plate-forme pour Cambrai, que d'audace et de volonté pour circuler sous l'occupation, seul, sans lumière, en pleine nuit, dans les rives entre Carnières et Cauroir.
Arrivée à Cambrai à 4h1/2 en même temps que mon fils Jean, venu à bicyclette.
Deux voyages se feront sur la journée : un de charbon à deux chevaux, et un autre charbon et mobilier.
10 Mai - Repos pour les chevaux
à 7h mon départ à vélo pour Cambrai, temps radieux, diverses courses et à la Maire.
11 Mai : Levé à 1h1⁄2. déjeuner aux chevaux, à 2h1⁄2 départ pour Cambrai et ramène mobilier.
La plate-forme détériorée le 5 stationne toujours sur le côté de l'avenue du Quesnoy.
Un service de la ville essaie de combler au mieux possible, les trous de bombes Avenue de Valenciennes.
Courant après midi, installation mobilière.
12 Mai : 7h Carnières Cambrai en bicyclette, courses diverses en ville et démontage mobilier à emporter.
13 Mai : Levé à 1h1/2 pour le déjeuner aux chevaux, à 2h1⁄2 départ - Arrivée 4h1⁄2 beau temps. Mon fils venu en bicyclette, chargement mobilier
14 Mai : 7h en bicyclette pour Cambrai, préparer mobilier (démonter lustres, piano, buffet, etc..)
15. 16. Mai, Temps pluvieux, installation Carnières ( water manquant, etc.)
17 Mai : 8h à vélo pour Cambrai, courses diverses. ramené de chez Guerlain à Escaudœuvres, une pièce cassée réparée du CHEVROLET, passé chez Pont mécanicien automobile, réfugié à Cagnoncles.
18 Mai - Aménagement installation à Carnières.
19 Mai - Levé à 1h1⁄2 pour déjeuner aux chevaux, 2h1/2 en route pour Cambrai, ramené mobilier et en remorque le camion CHEVROLET qui se trouvait en réparation au garage Pont Avenue de Valenciennes et que nous déposâmes chez Pont à Cagnoncles.
20 Mai : Levé à 1h1⁄2 pour déjeuner aux chevaux, 2h1/2 en route, aidé de mon Jean, ramené une partie du mobilier Paringaux, pris rue Gambetta à son domicile quelque peu sinistré aussi.
21. 22. Mai : continue l'aménagement à Carnières.
23 Mai : à vélo pour Cambrai, diverses courses et Mairie
24. 25 Mai : occupations diverses à Carnières.
26 Mai : levé à 1h1/2 pour déjeuner aux chevaux, 2h1⁄2 en route - Oh! les maudites grandes rives, et seul, au pas des bêtes, quelle vie, ramené la Citroën CH familiale en remorque avec l'aide de mon fils Jean, venu en bicyclette, mobilier.
27.28 - à Cambrai à vélo et Escaudœuvres, soins au chantier.
29 Mai : Carnières Cambrai en vélo, Recette des Finances, Ponts et Chaussées, Mairie d'Escaudœuvres.
30 Mai : Mardi : Occupations dans nouveau logis. Le cheval blessé est entièrement guéri.
31 Mai : à vélo pour Cambrai, Mairie, Amidonnerie du Hat,- Camion d'Arcis à Porte de Paris, chantier d'Escaudœuvres - Rentré à 18h à Carnières.
Malgré quelques incursions aériennes, calme général sur Cambrai et chariot toujours Avenue du Quesnoy.
1er juin : Levé à 1h1⁄2 pour déjeuner aux chevaux, 2h1⁄2 en route pour Cambrai, Jean venu en vélo ramené matériel divers du n°19
2 Juin : occupations diverses à Carnières
3 Juin : Levé à 1h1⁄2 pour les chevaux, 2h1⁄2 en route, avec l'aide de Jean, ramené mobilier à Jean Parinsaux, on connaît la route.
4-5 Juin : occupations à Carnières
6 Juin : Levé à 1h1⁄2 pour chevaux, 2h1⁄2 en route, notre souci est de quitter Cambrai pour 8h au plus tard, enlèvement du chariot renversé Avenue du Quesnoy, quelles difficultés pour le suspendre à l'autre plate-forme et des passants matinaux durent nous aider, à deux Jean, nous n'aurions pu
Et l'épave fut conduite pour réparations, chez Mr. Fasciaux charron à Naves ( roue avant et avant train brisés). Rentré à Carnières à 13h
7 Juin - Occupations à Carnières, au logis
8 Juin - Levé à 11⁄2 déjeuner aux chevaux, à 2h1/2 en route ramené de la Coopérative Agricole : nourriture pour chevaux et de la paille de to grange - Rentré à 13h
9 Juin - Occupations au logis de Carnières.
10 Juin - Levé à 1h1⁄2 déjeuner aux chevaux, à 2h1⁄2 en route je ne rencontre jamais âme qui vive sur la route. Mon fils Jean me rejoint it à la maison et nous chargeons un chariot de charbon pour le logis à Carnières .
11 Juin - Dimanche et repos
12 Juin - de 8h à 10h1⁄2 bombardement imposant sur Niergnies (aviation) Épinoy (aviation) vers Valenciennes Prouvy (aviation) environ 300 bombardiers, estima-t-on.
à 22h bombardement nocturne sur Cambrai, fusées rouges, ciel en feu, durée 1⁄2 heure, vers gares, voies ferrées, voisinage des trains, 300 bombardiers, encore dit-on le lendemain, l'un tomba enflammé devant nos yeux, 44 victimes annonça-t-on
13 Juin : Carnières Cambrai en vélo, courses en ville.
14 Juin : Carnières Cambrai en vélo, environ cent
bombardiers sur Épinoy (aviation) Sancourt, Haynecourt, Blécourt,
Alerte de 6h1⁄2 a 9h et tout l'après-midi
15 Juin : 1h du matin : nouveau bombardement imposant sur la ville, que de fusées rouges très visiblement de Carnières
J'accompagne en auto mon frère à Cambrai.
16 Juin : 1h du matin : passage d'avions allies sur Carnières ; nos épouses et enfants descendent à la Cave, fusées rouges, un des avions tombe en flammes entre Rieux et Avesnes lez Aubert.
Je me trouvait dans la rue face à chez mon frère et assistais à la chute. 5 carbonisés aux nouvelles du lendemain.
17 Juin - à vélo pour Cambrai, courses diverses,- aux nouvelles : Fils Deltour tué par avion
18 Juin : Dimanche - Temps beau
19 Juin : Levé a 4h - déjeuner aux chevaux. Départ à 5h pour aller couper fourrage au Pont de Naves
20 Juin : Départ à 8h en vélo pour retourner fourrage coupé
21 Juin : Départ à 8h en vélo pour mise en monts du fourrage - Rentré à Carnières à 17h
22 juin : Occupations au logis à Carnières
23 Juin - en vélo à Avesnes-lez-Aubert chez Morisaux marchand de bois.. Sitôt rentré, retour avec le chariot chez Morisaux et ramené quelques planches.
24 Juin - réfection au plancher du chariot.
25 Juin - Dimanche : repos
26 Juin - Départ 8h à vélo pour Cambrai, courses en ville et changer les monts de fourrage au Pont de Naves.
27 Juin - 8h à vélo pour Naves, chez Fasciaux, chez Mairesse (batteur), rencontre de dame Regnault de l'avenue du Quesnoy, réfugiée à Naves.
28 Juin - Occupations pour monfrère, lui conduis un attelage pour rentrée de fourrage.
29 Juin - 8h avec mon frère en voiture hippomobile pour Cambrai, de retour après exploration du quartier du Dépôt du Chemin de fer et de l'Avenue de Valenciennes. Il comprit le danger !
30 Juin - 8h départ avec les chevaux pou rentrer fourrage à Cambrai.
1er Juillet : occupations pour mon frère, lui conduis un attelage pour rentrée du fourrage.
2 Juillet : Dimanche : mon fils Jean a surpris au jardin à Escaudœuvres, le locataire Bonpain et ses enfant, à la cueillette des cerises.
3 Juillet : J'envoie à Bonpain, lettre de remontrances
4 Juillet : occupations chez mon frère, conduis attelage
pour rentrée de fourrage.
5. 6. Juillet : comme la veille pour mon frère.
7 Juillet : Carnières Cambrai à vélo, chez Me François- chez Me Damoisy (notaire), à l'octroi, à la Mairie (service agricole).
8 Juillet : Levé 1h/1⁄2. déjeuner aux chevaux, en route pour Cambrai, puis Escaudœuvres, ramené flèche de chariot et paille de la grange.
9. 10.11. à vélo à Naves chez Meresse le batteur le 9, occupations diverses à Carnières les 10 et 11
12 Juillet : à vélo à Cambrai, visite au n°19 dont les portes sont fermées. La route reste toujours déserte, les gens de l'extérieur font le tour par l'Avenue de Dunkerque, se méfiant toujours d'une surprise.
13 Juillet et 14, occupations chez mon Frère (fourrage)
15 Juillet : à vélo à Cambrai et retour par Naves chez Meresse et le charron Fasciaux réparant le chariot.
16-17 - occupations Carnières chez mon Frère.
18 juillet : Levé à 1h1⁄2. déjeuner aux chevaux, 2h1⁄2 en route et avec le fils Jean, ramené de Cambrai chariot et un tombereau de charbon, tous deux livrés à Naves chez Meresse (batteur)
19 Juillet : à vélo à Cambrai (courses diverses)
20 juillet. Levé à 1h1/2. déjeuner aux chevaux - 4h1/2 arrivé à Cambrai et Jean venu en vélo. Chargement 2,500 k charbon sur chariot et livré à Naves chez Fasciaux et y repris chariot réparé. Rentré à Carnières à 14h.
21 départ a 6h en vélo - replacer tuiles sur magasin n°19. Surpris par incursion aérienne alliée. - à la grâce !!
22 levé à 1h1⁄2 repas aux chevaux. Départ à 2/1⁄2 avec un cheval, pris au chantier d'Escaudœuvres 300 tuiles pour réparation au n°19. Quelle vie ! Quelle ténacité nécessaire. Rentée à Carnières à 19h par beau temps.
23 Dimanche : repos bien mérité.
24 à vélo à Boistrancourt et à Naves.
25 occupations à Carnières
26 vélo à Cambrai, nettoyage au n°19, courses chez photographe, - chez Me Damoisy, chez Carron-Faille
27 en vélo à Cambrai, nettoyage de la cour du n°19 (débris du cimetière et de la route qui avaient été projetés par dessus les toits, débris de craie, de bois, de gouttières, voire même des pavés de route (incroyable) ; 18h : bombardement d'un train de munitions allemandes surpris entre Estourmel et Wambaix. Rentré à 19h à Carnières.
28 Juillet en vélo à Cambrai, occupations de remise en état au n°19.
29 - vélo à Cambrai, courses diverses.
30 - Dimanche : repos - visite aux ménages Paringaux et Moniez installés dans le village
31 - 8h départ avec chariot et un cheval chez Fasciaux à Naves, mise au point des réparations récentes.
1er août voyage à Cattenières pour Sorlin de Carnières : ramener de la limonade.
2 - à Cambrai à vélo : détouré champ Sémaphore et au chantier Escaudœuvres.
3 - Levé à 4h repas aux chevaux. Cambrai, 5h départ avec chariot, coupé avoine et blé au chantier .
4 - id - coupé avoine au Sémaphore et blé n°104
5 - en vélo à Cambrai, détouré blé à la briqueterie
6 - Dimanche ; repos
7 - Levé à 4h - repas aux chevaux - Cambrai - départ 5h coupé blé à la briqueterie
8 - départ 5h au chantier, extirpage des terres. Rentrée en principe vers les 19h car après le travail, il y a encore environ 9 kms de route.
9 - départ 5h avec chevaux pour couper la luzerne.
2ème coupe au Pont de Naves (derrière le n° 104).
L'après-midi, aidé de Jean, cueillette de l’œillette au chantier. Rentré à Carnières à 19h.
10 Août – à vélo à Cambrai et fourrage en monts.
11 - Occupations à Carnières et nouvelle incursion aérienne sur Cambrai, Bombardement intense vers 16h sur la gare Ville, avenue du Quesnoy (mon magasin est presque totalement détruit), l'avenue de Valenciennes où sont entièrement écrasés les immeubles no 35, 37, 39, 41 situés à 80 mètres de notre maison n°19, une fois encore épargnée. Le n°35 est la propriété des parents de mon gendre Paringaux - les locataires avaient évacués.
12 Août : à vélo à Cambrai pour constatation des dégâts de la veille. La route récemment remise tant soie peu en ordre, est à nouveau en triste état et redevenue déserte. Verra.t-on la fin un jour !!
13 Août : Dimanche - Repos utile et parlote familiale chez mon frère.
14 Août : Levé 4h repas aux chevaux et départ pour Cambrai pour rentrée de moisson. Beau temps propice - Calme passager.
15 Août 1944 - Carnières Cambrai avec chevaux pour rentrée de moisson - temps superbe, Suis toujours accompagné des fils Jean qui profite du vélo. Mais nous ne trainons pas au boulot, toujours méfiants. Rentrer à 19h.
16 Août même emploi du temps que la veille et notre moisson est terminée sans encombre. Pourvu que la grange ne soit pas incendié. A la grâce.
17 Août. Occupations à Carnières.
18 - Occupations à Carnières.
19 - Carnières Cambrai à vélo. Occupations au n°19 où en cas de surprise, j'utiliserai la cave. Les toitures sont bien mal en point, les vitres ont disparu, que de travaux en perspective.
20 - Occupations à Carnières, je répare totalement le plancher du chariot sinistré, avec les planches achetées le 23 Juin chez Moriseaux.
21 - Occupations à Carnières : j'achève le plancher du chariot et suis très satisfait de mon travail.
22 Août 1944 - Carnières Cambrai en vélo, Temps passable. Courses en ville et au chantier d'Escaudœuvres. Une équipe de la voirie s'emploie à combler au mieux possible les trous Avenue de Valenciennes où partout tout est blanc de craie et de poussière.
23 Août - Carnières Cambrai en vélo, j'emporte toujours un repas froid, ne l'oublions pas. Que d'occupations aux n° 17. 17bis et 19. Plafonds abimés, voie tombés en partie. Débris de verre à vitres, que de décombres mais les immeubles sont encore debout.
Au n°17bis, une pierre bleue du cimetière réussit a traverser le toit, le plancher du grenier, le plafond de la salle de bains, s'immobilisant sur le plancher après avoir brisé au passage le lavabo et le bidet, épargnant néanmoins la baignoire. J'ose évaluer son poids à 70 Kg.
24 Août : à vélo à Beauvois chez le le cordonnier Bardarille, recommandé par mon frère pour les chaussures, en tous cas il ne réussit pas celles qu'il me fit. C'est dommage.
25 Août : à vélo au chantier d'Escaudœuvres. Nombreux
soins à lui donner et c'est bien tard que je le quitterai pour regagner Carnières à 21h, favorisé par la fraicheur du soir.
26 Août 1944 : Même emploi du temps que la veille, même température, calme général sur la région, mais sur le front les alliés progressent, l'espoir renaît. Rentré à Carnières, heureux auprès des miens à 20h.
27 : Dimanche - Repos. En profite pour passer un bon moment avec mes chevaux qui reprennent de l'embonpoint. Un long pansage. Les traces d'écorchures ont disparue sur le blessé, il s'en est ainsi tiré à bon compte. L'après-midi, réunion de famille chez mon frère où l'on agita la question, de retraite allemande.
28-29 Août 1944 : Carnières au chantier d'Escaudœuvres en vélo.. Arrachage des pommes de terre, remisées dans le pavillon. Récolte assez bonne et par temps sec Terminé à 17h et Rentré au logis à 18h.
30 et 31 Août 1944 - Occupations à Carnières, dernières nouvelles : armée ennemie en déroute, débâcle précipitée. Aussi les allemands pourraient-ils ne pas tarder à repasser, et tous nous suivons attentivement les renseignements clandestins de la B.B.C.
1er Septembre - Occupations à Carnières, nous sommes sur le qui vive ! Que nous réservent les prochains jours, à 15h surprise : arrivée d'un Etat-major allemand (une dizaine d'officiers) avec un convoi de camions CHEVROLET chargés de matériel. La ferme de mon frère sert de cantonnement. L'état-major prend poliment possession, de la cuisine, s'y restaure et peu soucieux, passera l'après-midi en parties de cartes. Et Sournoisement les mains criminelles de leurs chauffeurs, causèrent des détériorations à mes deux auto et camion remisés sous hangar au fond de la cour. Je m'en aperçus sitôt le départ du convoi. L'huissier de Carnières Me Bodechon dressa un constat. Comment tous ces hommes passèrent la nuit ??
2 Septembre : Levé à 4h après une nuit sans sommeil. Et quel remue ménage avec ce convoi démarrant. C'est Samedi, le temps s'annonce beau, à 5h des fractions d'infanterie désordonnées,
déprimées, fatiguées, débouchent par le pavé de Boistrancourt Carnières, se dirigent vers la Place et Chemin de la Tour . Il me fallut discuter avec un soldat qui s'obstinait à ne pas rendre mon seau prêté pour abreuver ses chevaux. Mais tout est bien qui finit bien.
Cette débâcle me rappelait notre retraite de 1914. Le moment était venu de dire : à chacun son tour. 10h1⁄2 nouvelle surprise : sur la trace des fuyards, j'aperçois de la porte de la ferme, l'arrivée des premières unités américaines, engins blindés, tandis que dans le voisinage, quelques SS allemands sacrifiés résisteront, nous occasionnant des pertes dont un résistant du village Pierre Strugeon tué et un autre résistant mon gendre Jean Moniez blessé à l’épaule et qui s'en tira à bon compte.
L'avance alliée nous avait le soir libérés de l'ennemi.
La mort de Strugeon, produite à la dernière minute était grandement regrettable, elle venait freiner l'enthousiasme d'une cité délirante.
Que de parlote le soir jusqu'à une heure
avancée de la nuit, que de projets avant de nous mettre au lit.
3 Septembre 1944 - Dimanche, grasse matinée pour une fois. Il faut envisager la réintégration au plus tôt à notre domicile de te Cambrai, la reprise du commerce suspendue depuis plus de quatre mois, les réparations provisoires mais urgente des toitures et avant l'hiver. Avec quel entrain nous reprendrons le collier . Malgré notre blessé Jean Moniez, la journée fut toute de joie et de réconfort.
4 Septembre 1944. Carnières Cambrai en vélo démarches aux Compagnie du Gaz, Électricité, Eaux.
5 et 6 Septembre : occupations à Carnières,. démontage, emballage précautionneux du mobilier (toilette, buffets, piano, literie, vaisselle etc... chargement sur les deux chariots, remisés pour la nuit dans la grange de mon frère
7 sept derniers préparatifs de départ, nettoyage méticuleux de notre refuge où sur des sacs, matelas et couvertures resteront pour la nuit.
8 Septembre 1944 : Levé à 5h repas aux chevaux, à 7h1⁄2 après vide complet de la maison, en route
pour la Cité Martin-Martine. Sur nos chargements prirent place mon épouse et son bon vieux père, enchantes de rentrer chez eux où ils vont retrouver leurs habitudes, leurs aises et les commodités que nous ne pouvions bénévolement espérer, réfugiés.
Depuis l'évacuation forcée, tous deux n'avaient revu le quartier et ils ne s'attendaient à une telle destruction, mais avait-on le droit de plainte em retrouvant les immeubles debout ! La première réaction passée, chacun reprit courage et conscience et la volonté aidant, le désarroi sera rite conjuré.
Pas de casse pendant le parcours et pour le soir, des journaux remplacer les vitres, la température était douce, les lits remonter pour la nuit. A défaut gaz , la cuisinière reprit son activité, de l'eau on en eut chez le voisinage et pour lumière des bougies en l'attente de mieux. L'essentiel était d'être rentré chez soi.
Les jours suivants nous donneront l'occasion, de retourner à Carnières chercher ce qu'il peut y rester; chèvres, lapins, poules,
outils, établi, nourriture des chevaux et équipages automobiles.
Et pour terminer les causes et le récit un peu succinct de cette deuxième évacuation inattendue en quatre ans, mon plus fervent souhait pour tous, sera celui de ne plus avoir à recommencer.
FIN
E. Degand
Trajet Carnières Cambrai effectué 66 fois pendant le séjour.